« Le problème vient de ton calcul là. Si tu le corriges, tu verras que tout sera plus clair. » Minah regarde ce que viens de lui indiquer son professeur. Jusque là, les mathématiques avaient toujours été très obscurs pour elle, comme du chinois, mais Sullivan, durant ses deux mois de vacances à Fort Bliss avait réussit à lever le brouillard. « Mais oui ! » s’exclama-t-elle alors qu’elle venait de comprendre. Les cours particuliers, ça avait été l’idée de sa mère. Au début, elle avait même demander à Emily de les donner ses cours, jusqu’à ce que sa cousine lui dévoile les notes qu’elle avait dans cette matière au lycée. Mais l’étudiante lui avait alors promis de l’aider à trouver quelqu’un d’autre. Elle avait alors demander à son ami Sulli. Et Minah ne regrettait pas. Elle devait bien l’avouer, elle craquait totalement pour lui. Un sourire ravageur, une gentillesse et un patience à tout épreuve. Pas de doute, elle venait de rencontrer un prince charmant. Sauf que durant ses deux mois, elle n’avait absolument rien tenter. Premièrement, parce qu’elle n’était qu’une pauvre lycéenne alors que lui était un jeune et brillant étudiant et deuxièmement, parce qu’elle doutait de pouvoir lui plaire. Et les deux moins étaient passés. Aujourd’hui était le dernier cours. « Tu as fait de net progrès ! » Il rangeait déjà ses affaires. Après-demain, à la même heure, elle serait dans l’avion pour l’Ecosse et elle n’aurait absolument rien fait. « C’est grâce à toi. Tu es un excellent professeur. » Il venait de finir de remplir son sac et le posa, tout en la fixant en même temps. Finalement, il se penche vers elle et dépose un baiser sur sa joue. « C’est toi qui est sensationnel. Ne change jamais. » Puis il quitte la pièce, laissant une Minah rougissante et le cœur tambourinant contre sa poitrine.

Elle était assise sur un banc dans le jardin, les genoux repliés sur elle et une tasse de chocolat fumante en main. Elle était exténuée. Dans la maison, des gens parlaient encore pour la veillée funéraire. Elle, elle n’en avait plus la force. Surtout après avoir bordé une Emily dévastée dans son lit. Sa cousine était inconsolable et Minah se sentait juste totalement impuissante. « Je peux m’assoir avec toi ? » Elle eut un sourire en reconnaissant l’homme devant elle. « Bien sur, installes toi. » Comme si elle pouvait dire non à Sullivan. Les années n’avaient en rien entaché ce qu’elle ressentait pour lui. Elle craquait totalement et ne pouvait rien y faire. « Emily s’est endormie ? » demanda-t-il. Elle hocha la tête, incapable de parler en pensant à l’état de sa cousine. Sulli sembla s’en rendre compte et passa alors doucement un bras autour de ses épaules, l’attirant doucement contre lui. Il restèrent un instant en silence, profitant un peu du calme. « Louis me parlait beaucoup de toi. » Elle eut un léger sourire, sans pour autant bouger la tête de son épaule. « Ah oui ? » Il hocha la tête. « Tu étais une héroïne pour lui. Il adorait les histoires que tu lui racontais. Et après, il se sentait obligé de me les raconter toutes. Du coup, je me suis sentie obligé de lui raconter à quel point tu étais nulle en maths. Mais après, il te trouvait encore plus forte d’avoir tout appris en un été. » Cette fois-ci, elle laissa fuser un petit rire. Il imaginait tellement le petit Louis tenir tout ce discours. C’était tout lui. « Enfin le voilà. Je me demandais si tu avais toujours le même petit rire. » Elle le fixa alors, tendrement. Pas de doute, ce type était tout droit sortie d’un livre de contes. Il posa alors sa main sur sa joue, la caressant doucement. Puis il se pencha et déposa doucement ses lèvres sur les siennes. C’était un baiser doux et tendre. C’était ce dont elle avait besoin. Ce dont elle rêvait depuis qu’elle était ado. Et aussi étrange que cela puisse paraitre, elle ne se posa pas de question sur ce qu’il signifiait. Elle en avait besoin et c’était tout. Lorsqu’il s’éloigna, elle ne se dégagea pas de lui, au contraire, elle se blottissait davantage contre lui. Il lui offrait le réconfort dont elle avait besoin et c’était tout ce qui comptait.

« Bon, je vous laisses les filles. On m’attend à la maison. » s’exclama Emily, alors qu’elle déposait les deux sœurs devant chez leur mère. « Minah, on déjeune ensemble demain. Oublies pas. » « Pas de soucis ! » Minah regarda un instant la voiture de sa cousine démarrer et commença à avancer vers la porte d’entrée, Rudolph  dans sa cage dans un bras. Moïra avait pris sa valise. Mais avant même qu’elles n’atteignent la porte, celle-ci s’ouvrit. « Willeminah ! » Sa mère l’attira dans ses bras et la serra à l’étouffer. Il n’y avait bien qu’elle pour utiliser son prénom en entier. Minah lui rendit tout de même son accolade, se retenant de la reprendre. Elle n’allait quand même commencer maintenant, alors qu’elles se retrouvaient à peine. Un homme attendait derrière elle, le sourire aux lèvres. Rose se détacha finalement d’elle. « Ma chérie, voici Marc, mon futur mari. » Minah lui tendit timidement la main. « Enchantée. » Il la lui serra. Elle qui s’attendait à détester le futur mari de sa mère, ce ne fut pas le cas. Cet homme avait l’air charmant et très avenant. « Mais c’est quoi ça ? » Minah se tourna vers sa mère en sursautant. Moïra, à côté d’elle, fit la grimace. « Ce n’est que son chat, maman. » « Ah non, non, non. Je ne veux pas de ça à la maison. » Minah fronça les sourcils. « Je pensais pas que Rudolph poserait un problème. » « Tu l’as trouvé dans ma rue, ma chérie. Bien sûr qu’il pose problème. » Elle lâcha un soupir, dépitée par le comportement de sa mère. « Ah … » « Ce n’est qu’un chat maman. Regardes, je le caresses et rien ne m’arrives. » Minah eut un sourire reconnaissant envers sa sœur. Un peu surprise tout de même. Dans son enfance, elle avait rarement vu Mo la défendre. Comme quoi tout arrivait. « Non, il ne rentrera pas chez moi. » « Je l’emmènerais chez moi alors. » Ils se tournèrent tous vers le nouveau venu, qui sortait à son tour de la maison. Minah ne put retenir un sourire en le reconnaissant. Bien que très étonnée de le voir là. « Sulli ?! » Il lui fit un sourire à son tour. « Salut Minah. Ca faisait longtemps. » Marc posa alors une main sur son épaule. « T’est sure que ça ne te déranges pas, fiston. » « Fiston ?! » Minah ne peut retenir son exclamation. Elle regarda tour à tour Marc et Sullivan. Voilà pourquoi son futur beau-père lui paraissait si charmant, il ressemblait énormément à son fils. « Tu n’étais pas au courant ? » Minah secoua la tête, incapable de parler. Le prince charmant allait devenir son beau-frère. Au secours ! « En tout cas, c’est généreux de te part de prendre ce … chat, Sullivan. »

Elle toqua trois petits coups à la porte et attendit un peu, espérant que Sulli soit bien là. La porte s’ouvrit. Il était bien là. « Salut Minah ! » Elle lui fit un léger sourire. « Désolée de te déranger. Je voulais juste savoir si je pouvais voir Rudolph. » Il eut un petit sourire. « Bien sûr, rentre. Il est sur le canapé. J’ai l’impression que c’est son nouveau territoire. » Elle eut un petit rire. C’était du Rudolph tout craché. S’accaparer les endroits stratégiques de la maison. Elle s’approcha donc du matou et commença à le caresser. Il se colla à ses doigts en ronronnant. « On voit qu’il reconnait sa maitresse. » Minah secoua la tête. « Il fait ça à toutes les femmes. Un vrai Don Juan. Il l’a pas fait à ta femme ? » Elle vit alors le visage de Sulli blanchir. « J’ai dit quelque chose qui fallait pas… » murmura-t-elle. Il secoua la tête doucement. « Non, elle… elle est décédé, il y a un an. » Elle porta une main à ses lèvres. « Oh mon Dieu. Je suis désolée, je n’en savais rien. » Il secoua de nouveau la tête. « Ne t’excuses pas. Tu ne le savais pas. En fait, je savais même pas que tu étais au courant pour mon mariage. » « C’est Emily qui me l’avait dit… » Ils restèrent silencieux quelques instants, avant d’être interrompu par Rudolph, qui vint réclamer des câlins à sa maitresse. « Tu commences à me courir sur le haricot, toi ! » Sullivan éclata alors de rire. « Tu as toujours des expressions, toi. Une fille comme toi, ça s’invente pas. » Elle eut un petit rire à son tour. Sa façon de parler, elle savait qu’elle le devait à son éducation et à son enfance passer à vouloir plaire à sa mère. Ne pas dire de grossièretés en faisait partie. « Je te sers, un truc à boire ? » « Avec plaisir. » Il se dirigea alors vers la cuisine, la laissant seule quelques instants. Elle se leva finalement et se dirigea vers la bibliothèque. Après quelques jours passés à lire les livres de sa mère, elle commençait à saturer. Elle avait besoin d’autre chose. Elle se mit alors à lire chaque titre, avant de se stopper net en lisant l’un d’eux. Hector et l’écureuil. Elle fronça les sourcils. C’était une coïncidence, c’était pas possible. Puis elle vit celui d’après, le louveteau. Et encore un autre, la princesse aux perles. Elle releva la tête quand il revint dans la pièce. Il remarqua alors ce qu’elle regardait. « Ils sont bien de toi, pas vrai ? J’ai reconnue le premier titre parce que tu en avais parler sur la tombe de Louis. Et les deux autres, c’étaient les histoires qu’il m’avait racontés. » Elle était prise d’une sacré émotion. « Personne ne le sait. Et personne ne l’a deviné. » En même temps, la seule qui aurait pu le deviner, c’était Emily. Mais elle se doutait bien qu’elle avait autre chose à faire que de courir les rayons de livres pour enfant. Il s’approcha d’elle et lui tendit son verre de jus d’orange. « Louis les aurait adoré. » Elle hocha la tête. C’était un peu pour ça qu’elle les avait fait. C’était rassurant de savoir que quelqu’un d’autre partageait son avis. « Je peux t’emprunter des livres ? Je commences à ne plus supporter ceux de ma mère. » C’était certes un changement de sujet brusque, mais il le fallait. Si elle se laissait aller à ses émotions, elle allait encore craquer pour lui. Et au vu de son récent veuvage et des rapprochement entre sa mère à elle et son père à lui, elle n’était pas sure que ce soit une bonne idée…