Minah referma la porte de la chambre qu’elle occupait chez sa mère avec un geste brusque. « Willeminah Sutherland ! On ne claque pas les portes ! » La jeune fille leva les yeux au ciel. Elle avait l’impression de redevenir adolescente. Elle supportait sa mère de moins en moins et le dôme n’arrangeait pas les choses. La maniaque de contrôle qu’était Rose Davenport n’aimait pas cette chose qui les englobait tous et cela se ressentait. Elle s’énervait pour rien et un peu trop souvent sur Minah. Sa mère avait déjà un caractère pas facile à vivre à la base, mais là, elle atteignait des sommets encore jamais atteint. C’était à se demander comment Marc pouvait la supporter. Son futur beau-père devait avoir une patience hors-norme. Pour sa part, elle n’en avait jamais eu beaucoup envers sa mère. Et elle semblait avoir leu peu de réserve qui lui restait. D’où le claquement de porte. L’impulsion avait était plus forte qu’elle. Elle avait eu totalement raison en restant avec son père au moment du divorce. Avec sa mère, elles n’auraient fait que se pourrir la vie mutuellement. Elle n’était d’accord sur rien. Rose trouvait une robe belle, Minah la trouvait hideuse. Minah parlait de son boulot, sa mère ne pouvait retenir cette désapprobateur qu’elle avait si souvent eu durant l’enfance de la jeune fille. Si l’une disait noir, l’autre dirait blanc. Et c’était tout le temps, sans pause. Et c’était fatigant. Minah avait appris à vivre avec le désaccord de sa mère, mais là, l’avoir tout les jours devant elle, devenait juste… trop. Elle n’en pouvait plus du jugement de sa mère. « On passe à table dans une heure. Et j’espères que tu ne porteras plus cette horrible short, Willemine ! » Elle baissa les yeux sur sa tenue. Elle n’avait pas beaucoup de choix, puisqu’elle n’avait que sa valise, mais quand même. Il n’était pas si moche ce short ! Et puis elle n’allait pas mettre un pantalon avec cette chaleur étouffante. « Parce qu’on mange avec une tenue décente à ma table ? » Parce son short était indécent ? Là c’était juste la goutte d’eau. Elle attrapa un sac et y enfourna rapidement quelques affaires. Elle prévint Moïra qu’elle ne passerait pas la nuit ici et s’enfuit le plus rapidement plus tard. Sa sœur ne chercha même pas à l'en empêcher.

Quelques minutes après, elle est devant la porte de sa cousine. Et y frappe quelques coups. Emily lui ouvre rapidement. « Salut Mily ! Je peux squatter ton canapé ? Sinon je fais finir par tuer ma mère. » Voilà qui mettait directement l’ambiance. Elle remarqua alors Maddox, un peu plus loin, qui ne semblait pas vraiment heureux de voir débarquer la cousine de sa femme. En même temps, Minah ne savait pas trop chez qui d’autre aller squattée. A moins de prendre possession du canapé de Sullivan avec Rudolph, mais elle n’était pas sure que ce soit une bonne idée. Après, il restait un banc quelques part en ville. Mais là encore, c’était à ses risques et péril. Restait donc plus qu’Emily. Et tant pis pour Maddox.

Entre Minah et sa mère, cela n’avait jamais été simple. Elles s’aimaient, pas de doute. Tant qu’elles ne passaient pas trop de temps ensemble. Dans le cas contraire, elles étaient, aussi bien l’une que l’autre, prises d’une envie subite de tuer l’autre. L’antiquaire était la première à dire qu’elle ne passait pas du tout assez de temps avec sa mère, à dire qu’elle ne la connaissait pas. Mais c’était finalement impossible. Elles n’étaient pas faites pour vivre ensemble. Et dans ce cas là, il ne restait à Minah qu’une seule solution. Fuir. Et fuir le plus loin possible. Malheureusement avec le dôme, elle ne pouvait pas vraiment partir. Il ne lui restait qu’une seule solution, dormir ailleurs. Et là encore, le choix était limité. Emily était son premier choix. Et en réalité, le seul qui soit à peu près intelligent. Elle avait donc débarqué comme une fleur chez sa cousine. Sans même penser au mari de celle-ci. « Bien sûr, Minah. Tu es la bienvenue. Reste le temps qu'il faudra. En plus, j'ai une chambre d'amis là-haut si tu veux. Je n'ai juste qu'à te mettre des draps, et ça sera bon. » Maddox, derrière elle, ne semblait pas vraiment d’accord. Mais Minah s’en fichait, seule l’avis de sa cousine comptait. Surtout vu l’enfer que semblait vouloir lui faire vivre son mari ses dernières semaines. « Tu sais que tu es la meilleure, Mily ! » Maddox se décida à sortir de son trou et de se montrer entièrement. « Salut. » « Salut Maddox ! » Elle avait beau sentir qu’elle n’était pas la bienvenue pour lui, elle restait polie. Polie à l’extrême. « Je vais manger chez Graham. » Apparemment, lui ne s’embarrassait pas de ce genre de choses. Et quelques secondes plus tard, il avait quitté l’appartement, laissant une Minah abasourdie face à une Emily juste totalement blasé. Elle savait que le mariage de sa cousine se passait mal, mais pas à ce point. Après tout, Minah s’était toujours bien entendu avec lui. Du moins par le passé, quand Louis était encore là. Après, il avait peu a peu disparu de la circulation. « Bon débarras. » Minah leva un sourcil en regardant sa cousine. Cela allait si mal que ça ? Vraiment ? Cela faisait presque mal de les voir ainsi en pensant à cette époque où ils s’aimaient tant. Elle savait qu’après la morte de Louis, leur amour avait petit à petit diminuer, mais elle aurait cru qu’il aurait substitué au moins un peu d’affection entre les deux. « Désolée ! Lui et moi, c'est .. C'est pas trop ça en ce moment. » Minah posa sa main sur celle de cousine. « T’excuses pas. C'est moi qui m’imposes. D’ailleurs si je dérange trop, dis le moi. » Elle n’aurait surtout pas voulu être le sujet d’encore plus de désaccord entre les deux. Si leur mariage battait de l’aile, elle n’y pouvait rien, mais en aucun cas, elle ne voulait empiré les choses. Elle devait bien ça à Louis. Mais apparemment le départ de Maddox ne semblait pas du tout perturbé Emily. « Allez viens, je te montre la chambre et ensuite, on prépare le repas ensemble ? » Minah hocha de la tête. « Avec grand plaisir. » Elle suivit alors sa cousine dans l’escalier, son sac sur le dos. Elle n’avait pris des affaires que pour une nuit, et au vu de ce qu’elle venait de voir ce n’était peut-être pas plus mal. Elle n’allait pas non plus chasser indéfiniment Maddox de chez lui. Elle eut un petit pincement au cœur en passant devant l’ancienne chambre de Louis. C’était incroyable comment ce petit bout lui manquait. Et tout aussi incroyable de voir comment au final, il avait changer la vie de Minah. Puis, elles arrivèrent enfin à la chambre d’amis. Comme toujours tout était niquel. Emily était une fée du logis. « Elle est superbe cette chambre. Tu devrais faire attention, je risquerais de squatter plus longtemps que prévue. » Ce n’était qu’une boutade, bien évidemment. Elle était sure de ne pas pouvoir supporter la tension entre Maddox et sa cousine.

Minah ne pouvait que se sentir chanceuse d’avoir une cousine comme Emily. Une cousine dont elle se sentait plus proche qu’elle ne l’avait jamais été avec sa sœur, même si des milliers de kilomètres les séparaient. Une cousine qui l’accueillait à bras ouvert chez elle alors qu’elle débarquait sans prévenir. Emily était génial. Ce que l’antiquaire n’hésita pas à lui dire. « Mais non ma puce, c'est normal. On est une famille, je suis là pour ça. » Minah n’était pas sure que ce soit normal. Il suffisait de voir comment sa mère avait réagit à la vu de son chat. Et elle était bien plus encombrante qu’un chat. D’ailleurs, il y en avait un autre qui ne trouvait pas ça évident : Maddox. Minah eut à peine le temps de le saluer qu’il quitta la maison en claquant la porte. Elle savait que depuis son retour il était d’une humeur exécrable mais pas à ce point. Minah regrettait l’homme qu’il était, il y a encore quelques années. Et elle ne doutait pas un instant que c’était sans doute aussi le cas d’Emily. Mais en voyant la vitesse à laquelle le mari de sa cousine avait décidé de partir, Minah ne pouvait que se dire qu’elle dérangeait. Elle s’excusa donc auprès de sa cousine. « Tu me déranges jamais, tu le sais bien. Et si Maddox est pas content, j'y peux rien. Mais il est hors de question que je te chasse d'ici pour son petit plaisir. Après tout, je te vois pas assez souvent à mon goût, alors autant profiter de cette soirée, non ? » S’il y avait bien un membre de sa famille qui lui manquait, c’était bien Emily. Alors oui, autant prendre cette soirée que leur offrait Maddox. Elle passa alors un bras autour de la taille de sa cousine avant de déposer un baiser sur sa joue. « Tu as raison, profitons-en ! » Elles montèrent alors à l’étage et après un moment de silence en passant devant la chambre du petit Louis. Emily ouvrit alors la porte de la chambre d’amis, la faisant découvrir à sa cousine. Minah resta alors ébahi. Cette chambre était magnifique. Elle glissa d’ailleurs à la blondinette qu’elle risquait de prolonger son séjour avec une si belle chambre. « Ca serait pas dérangeant, crois-moi. Enfin, Maddox serait peut-être pas ravi, mais moi si. Si tu savais comme je m'ennuie dans cette grande maison. » Minah fronça les sourcils en entendant le ton que prenait sa cousine. Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle se sentait si seule. Elle l’aurait su, elle serait venu bien plus tôt. « Pourquoi tu viens pas plus souvent chez ma mère ? Je t’assure, personne ne s’ennui chez elle. » Bon, c’était peut-être une critique à moitié. Parce que si personne ne s’ennuyait, c’était souvent à cause de crises de nerfs. « Ce soir, tu m’as pour toi toute seule ! » Elle espérait qu’elle arriverait à lui remonter au moins un peu le moral. « Tiens, pose tes affaires par ici si tu veux. » Elle s’exécuta et posa son sac près du lit. Pas de doute, si elle se sentait trop bien chez Emily, elle risquait de ne jamais vouloir partir. « Qu'est ce qui t'emmènes ici, Minah ? Ta mère ? » Et il y avait ça aussi. Elle fit une grimace. « Elle me courre sur le haricot ! Je deviens folle ! » C’était bien connue, les deux étaient incapable de s’entendre. Ou de se comprendre. « Je sais pas ce qu’elle attend de moi, Lily. J’ai l’impression que quoique je fasse, c’est jamais assez bien pour elle. Aujourd’hui, elle a passé son temps à critiquer mon short. En disant qu’il était trop court. Regardes-le ! Il m’arrive à mi-cuisse ! » En fait tout ce qu’elle faisait mettait sa mère en colère et elle ne savait plus quoi faire. « J’ai l’impression que quoi que je fasse, ce n’est jamais assez bien pour elle. » Et c’était finalement ce qui faisait le plus mal. Elle haussa alors les épaules, montrant son impuissance. « Ne gâchons pas notre soirée avec ça. Tu m’avais pas parler d’un repas ? »