« Tu as vu dans quel état tu as mis cette robe. » Les larmes au bord des yeux, le regard pointé vers ses chaussures, ses mains serrés autour de l’anse de son petit panier, Minah n’ose même pas lever les yeux vers sa mère. Elle avait espéré faire plaisir à sa mère en allant cueillir quelques fraises dans le bois derrière leur maison. C’était peine perdue. « Et dire que nos invités arrivent dans quelques minutes. » Rose pousse un long soupir. La petite ose alors enfin lever la tête faire sa mère. Elle semble s’être radoucie, un instant. Sans doute prise à l’organisation de son diner. Etre la femme d’un diplomate n’a pas toujours été de repos. Et même quand il n’est pas là, elle continue à devoir faire des diners mondains. Mais Willeminah soupçonne sa mère d’aimer ça. « Restes pas là ! Montes te changer. » Elle s’empresse d’écouter sa mère et commence à monter les marches le plus rapidement possible. Sa mère, elle, crie de nouveau derrière elle. « Moïra ! Aides ta sœur à se changer ! » Minah fait une légère grimace. Elle commence à en avoir marre que sa mère ne lui fasse pas confiance. A dix ans, elle est quand même capable de se changer seule. Et puis Mo’ est toujours dans son coin. En train de réviser ou avec ses copines. Elle n’a jamais le temps de s’occuper d’elle. Et puis, Minah a toujours l’impression d’être nulle face à elle. C’est, elle la fille parfaite de sa mère. Pourtant, lorsque Moïra sort de sa chambre, la petite ne peut s’empêcher de courir dans ses bras. « Oh Will ! Tu sais comment est maman pourtant. » Le visage enfouie contre sa sœur, Minah marmonne. « M’appelles pas Will. Ca fait garçon. » Mo pousse un soupir et tire doucement sa sœur en arrière, pour qu’elle de détache d’elle. « Allons te trouver une autre robe, miss Minah ! »

C’était une blague, une effroyable et très mauvaise blague. Minah ne pouvait pas y croire. Elle cligna alors plusieurs fois des yeux, fixant ses parents qui attendaient qu’elle leur réponde. Moïra fut finalement la première des deux à ouvrir la bouche. « Je peux comprendre ce qui vous passe à divorcer, mais vous vous rendez compte de ce que vous nous demander ? » Si elle, elle comprenait, sa petite sœur, elle, n’en menait pas large. Certes, elle avait très souvent entendu ses parents se disputer. Rose avait bien du mal à supporter les voyages que son mari était obligé de faire pour son boulot. Et en plus, elle avait le mal du pays. Elle ne s’était jamais plu sur les terres écossaises et ne s’en était jamais caché. Mais de là à divorcer ! Non, elle ne comprenait rien. Ce n’était pas comme si c’était nouveau, elle avait toute sa vie entendu ses parents se plaindre. « Vous vous rendez compte que vous nous demandez de choisir, entre l’un et l’autre. C’est pas comme si ou pourrait aller de temps en temps passer un week end chez papa ou maman. » C’était ça le pire. Rose retournait à Fort Bliss. En plus de divorcer, ses parents allaient mettre des milliers de kilomètres entre eux. « Moi je peux pas faire ce choix ! C’est impossible. » « Moi je choisis papa. » C’était avec le regard toujours perdue dans le vague que Minah avait finalement prit la parole. Et c’est lentement qu’elle tourne la tête vers ses parents. Sa mère semble dévastée. « Ma vie est ici. Je viens de commencer mes études, mes amis sont là. Je ne veux pas tout quitter. » Même si mentalement, les noms d’Emily, Louis et Sullivan venait se mettre dans la liste des pour partir, elle savait que sa vie n’était pas aux Etats-Unis, elle était ici. « Et puis, maman, soyons honnête. On se déchirerait. Je t’aime et je sais que tu m’aimes, mais on se supporterait pas. » Sa mère hocha lentement la tête et Minah vint lui serrer la main. C’était la vérité et toutes les deux le savaient. Tous se tournèrent alors vers Moïra. « Je peux pas choisir pour l’instant, je suis désolée. » En vérité, elle ne choisira jamais. Elle quittera bien l’Ecosse pour les Etats-Unis, mais pas pour Fort Bliss.

« Minah ! Minah ! » Elle sauta dans les bras de sa cousine. Ce mariage avait finalement au moins un côté positif. Celui de lui permettre de retrouver un peu Emily. Une autre silhouette approchait derrière, également. « Salut Wi… Minah ! Tu as fait bon voyage ? » Minah serra sa sœur dans ses bras à son tour. Elles n’étaient peut-être pas proche, mais ça n’empêchait pas la jeune femme d’aimer sa sœur de tout son cœur et d’être heureuse de la revoir. Mais son geste sembla pourtant surprendre Moïra, qui resta un instant figée. Avant de finalement rendre son embrassade à sa sœur. Elles se séparèrent finalement. « Tu as des bagages à récupérer ? » Minah hocha la tête. « Oui, une valise et Rudolph. » Moïra la regarda un instant. « Tu as ramener, ton chat ici ? » Minah fut surprise de constater que sa sœur se souvenait du nom qu’elle avait donner à son matou. Elle lui avait bien dit une fois, mais de là à s’en souvenir. « Je pouvais pas le laisser tout seul. La seule personne qui acceptait de s’en occuper c’était papa, mais il est encore en voyage diplomatique… Je crois que c’est surtout le meilleur moyen de pas penser au mariage de maman… » Mo haussa les épaules. « Il fallait bien que ça arrive un jour. »

« Bon, je vous laisses les filles. On m’attend à la maison. » s’exclama Emily, alors qu’elle déposait les deux sœurs devant chez leur mère. « Minah, on déjeune ensemble demain. Oublies pas. » « Pas de soucis ! » Minah regarda un instant la voiture de sa cousine démarrer et commença à avancer vers la porte d’entrée, Rudolph  dans sa cage dans un bras. Moïra avait pris sa valise. Mais avant même qu’elles n’atteignent la porte, celle-ci s’ouvrit. « Willeminah ! » Sa mère l’attira dans ses bras et la serra à l’étouffer. Il n’y avait bien qu’elle pour utiliser son prénom en entier. Minah lui rendit tout de même son accolade, se retenant de la reprendre. Elle n’allait quand même commencer maintenant, alors qu’elles se retrouvaient à peine. Un homme attendait derrière elle, le sourire aux lèvres. Rose se détacha finalement d’elle. « Ma chérie, voici Marc, mon futur mari. » Minah lui tendit timidement la main. « Enchantée. » Il la lui serra. Elle qui s’attendait à détester le futur mari de sa mère, ce ne fut pas le cas. Cet homme avait l’air charmant et très avenant. « Mais c’est quoi ça ? » Minah se tourna vers sa mère en sursautant. Moïra, à côté d’elle, fit la grimace. « Ce n’est que son chat, maman. » « Ah non, non, non. Je ne veux pas de ça à la maison. » Minah fronça les sourcils. « Je pensais pas que Rudolph poserait un problème. » « Tu l’as trouvé dans ma rue, ma chérie. Bien sûr qu’il pose problème. » Elle lâcha un soupir, dépitée par le comportement de sa mère. « Ah … » « Ce n’est qu’un chat maman. Regardes, je le caresses et rien ne m’arrives. » Minah eut un sourire reconnaissant envers sa sœur. Un peu surprise tout de même. Dans son enfance, elle avait rarement vu Mo la défendre. Comme quoi tout arrivait. « Non, il ne rentrera pas chez moi. » « Je l’emmènerais chez moi alors. » Ils se tournèrent tous vers le nouveau venu, qui sortait à son tour de la maison. Minah ne put retenir un sourire en le reconnaissant. Bien que très étonnée de le voir là. « Sulli ?! » Il lui fit un sourire à son tour. « Salut Minah. Ca faisait longtemps. » Marc posa alors une main sur son épaule. « T’est sure que ça ne te déranges pas, fiston. » « Fiston ?! » Minah ne peut retenir son exclamation. Elle regarda tour à tour Marc et Sullivan. Voilà pourquoi son futur beau-père lui paraissait si charmant, il ressemblait énormément à son fils. « Tu n’étais pas au courant ? » Minah secoua la tête, incapable de parler. Le prince charmant allait devenir son beau-frère. Au secours ! « En tout cas, c’est généreux de te part de prendre ce … chat, Sullivan. »

« C’est un désastre, un véritable désastre. » Minah fixait sa mère qui déambulait dans le salon sans s’arrêter. En dingue du contrôle qu’elle était, elle ne supportait pas du tout ce qui se passait. « Obligée de repousser le mariage, parce qu’un dôme nous encercle. C’est n’importe quoi ! » Minah lâcha un soupir. Cela faisait deux jours qu’elle entendait le même discours. Si sa mère ne supportait pas de voir son mariage gâchée, elle, avait bien du mal à  se dire qu’elle allait très probablement loupé son avion de retour. Mais qu’elle galère… « Si tu t’asseyais maman ? Je vais nous préparer des chocolats, tiens. » Elle quitta le salon pour retrouver Moïra dans la cuisine. Elle versa du lait dans une casserole avant de mettre le tout à chauffer. « Je nous fait du chocolat, ça te dis ? » Moïra leva les yeux du livre qu’elle était en train de lire. Tout comme sa sœur, elle n’avait trouver que la bibliothèque de leur mère pour s’occuper. « Oui, avec plaisir. » Minah prépara les tasses en silence. Elle versa les trois tasses et en posa une devant sa sœur. « Ca te dirait qu’on aille faire un tour dehors, après ? Juste toute les deux ? » Minah hocha la tête. « Avec plaisir. » Depuis qu’elle était arrivé, elle avait bien remarqué que sa sœur tentait de se rapprocher d’elle. Et ce n’était pas elle qui allait s’en plaindre.